Viande de cheval et malbouffe
Il aura fallu cette fraude à l'étiquetage pour que le consommateur s'aperçoive – enfin ! – de la démence de la production industrielle agro-alimentaire et des circuits de commande et de distribution. Nul doute que tout cela retombera dans l'oubli dans quelques semaines et que des millions de consommateurs continueront à se ruer vers la malbouffe industrielle, productrice de chômage et de mauvaise nutrition.
Des dérives purement axées vers le profit à court terme de toute une chaîne de distribution qui, n'en doutons pas, dure depuis des décennies. Depuis que les industries, aidées par les communicants, poussent le consommateur à bouffer n'importe quoi, n'importe quand et surtout toujours plus. "La quête du gras", comme chanterait Ange dans son dernier album, Moyen Âge.
En effet, comment ne pas se poser cette question pourtant évidente : alors que le temps occupé par le travail ne fait que diminuer, pourquoi a-t-on besoin de ces produits destinés à gagner du temps ? De ces plats préparés qu'on balance dans le micro-ondes et qui sont prêts en 1 minute ? Alors qu'un hachis parmentier, ce n'est quand même pas difficile à faire ! Mais non, le monde moderne exige que l'on consomme toujours plus, toujours plus vite. Qu'on soit de plus en plus nombreux à consommer de plus en plus (en 1800, nous étions 600 millions, en 2000, 6 milliards, et en une décennie, 1, 5 milliards de plus). "Croissez et multipliez"… nos bénéfices ! Et puis, on ne peut pas passer son temps à regarder la télé et faire à manger en même temps. Ce soir, sur Canal +, Gaspard Proust remarquait avec justesse, et humour, que les chômeurs auraient pourtant le temps de préparer leurs repas plutôt que de sortir une boîte du congélateur !
Depuis les années 1960, la consommation de viande dans nos pays a été multipliée par 5, soutenue en cela par des "scientifiques" qui prétendent que si l'homme a un gros cerveau et qu'il est donc intelligent, c'est grâce à sa consommation de viande. Oubliant sans doute de dire que, dans ce cas, les fauves devraient être extrêmement intelligents, puisqu'ils ne mangent que ça. Pareil pour les dinosaures carnivores d'ailleurs. Oubliant de dire aussi que pour produire un kilo de viande, il faut 15 400 litres d'eau. Mais non, l'Homme est un être carnivore. Et d'ailleurs les marques ne se privent pas de nous le rappeler. Et les communicants balancent le message sans état d'âme, se félicitant de leur "créativité" stupide et surtout cupide. Résultat : on a transformé la Bretagne en porcherie (avec toutes les conséquences sur l'environnement que l'on connaît), les "élevages" sont responsables d'une grande partie de l'émission de gaz à effet de serre, et… le consommateur bouffe de la merde industrielle. Des poulets de batterie sans goût, des quantités astronomiques de viande nourrie aux OGM, des hamburgers infects bourrés de gras, des conditions d'élevage et d'abattage insensées, etc.
On spécule sur les denrées alimentaires, on défriche des zones pourtant essentielles à la vie sur cette planète, afin de produire toujours plus de céréales pour nourrir ces "troupeaux" ou pour produire du carburant soi-disant bio. Depuis 1987, l'humanité produit plus de déchets que la Terre ne peut en recycler en une année. Et la tendance s'accélère. Aujourd'hui, à partir du mois de juillet, nous vivons à crédit sur cette planète. En 2019, nous en arriverons au 1° janvier. Mais qu'importe, on continue aveuglément.
Parallèlement à cela, les pays dits riches jettent des quantités effarantes de nourriture consommable. En France, qui n'est pas et de loin le pire pays, chaque français jette chaque année 40 kilos de nourriture à la poubelle. Calculez, c'est facile : 40 kilos x 65 millions = 2 millions 600 000 tonnes. Auxquelles il faut ajouter ce que jettent les grandes surfaces, soit 860 000 tonnes. 3 millions 460 000 tonnes de denrées alimentaires ! Rien que chez nous. Alors que l'on sait que 860 millions de personnes dans le monde souffrent de malnutrition… Ce dont de foutent éperdument les quelques multinationales alimentaires (que l'on peut compter sur les dix doigts) et qui distribuent toutes les marques soi-disant concurrentielles censées vous offrir santé et longévité, comme en témoigne cette image extraite de Nexus n° 81 (désolé pour la qualité du scan) :
Et, cerise sur le gâteau, en juin prochain, alors que la crise de la vache folle est encore dans toutes les mémoires, les bureaucrates européens autorisent à nouveau l'alimentation des animaux d'élevage à base de farines animales. Pour le poisson dans un premier temps (slogan débile : "prion ne rime pas avec poisson"), puis sur le reste.
On croît cauchemarder, mais le cauchemar est dans nos assiettes.