25 mai : les raisons d'une catastrophe
Au lendemain de la catastrophe électorale du 25 mai, il est urgent de s'interroger sur les raisons qui ont conduit un ramassis d'extrémistes xénophobes et rétrogrades à se retrouver en tête du scrutin. Elles sont nombreuses et elles rappellent furieusement celles pour lesquelles un certain Adolf s'est retrouvé à la tête d'un état, avec les conséquences que l'on sait.
1 – La cause première de la montée des extrémismes est simple : crise économique, chômage, pauvreté. Il ne s'agit plus dès lors que de trouver un bouc émissaire pour déclencher le processus. Et il est tout trouvé : l'étranger, présenté de façon caricaturale. De ce point de vue, entre 2002 et 2012, tout a été fait pour banaliser les propos outranciers et hautement condamnables de l'extrême droite. Qui ne se souvient des "racailles", du "karcher", et tant d'autres discours tenus par le pouvoir alors en place, et dont les médias sont toujours friands. On crée peu à peu un climat délétère, sur la base de faits divers, assommant la population à grand coup de chiffres bruts, souvent sortis de leur véritable contexte, que les médias, par effet de loupe s'empressent d'amplifier. Résultat : le peuple est de plus en plus persuadé de vivre dans un monde dangereux, où l'on risque sa vie ou ses biens à chaque instant. Une méthode simple pour tenter d'une part de masquer l'incompétence des dirigeants à résoudre les vrais problèmes, et d'autre part pour tenter de grappiller les voix de ceux qui seraient tentés par un vote extrémiste. Un jeu dangereux dont les conséquences sont bien souvent imprévisibles. Ajoutons-y la déception, toujours savamment entretenue par les médias et les humoristes, qui a suivi l'élection présidentielle du 6 mai 2012, et le combustible de la bombe est prêt. Ne reste plus dès lors qu'à l'emballer de façon attirante pour faire passer la pilule.
2 – L'Euro. Relayée abondamment par les extrêmes, suivie par les médias, l'idée d'une perte du pouvoir d'achat liée à l'Euro a fait son chemin depuis 2002. D'autant plus facilement que les populations les plus âgées se sont vite retrouvées perdues dans les calculs de conversion entre les monnaies nationales et la monnaie commune. Et pourtant l'Euro n'est en aucun cas responsable de la baisse du pouvoir d'achat, bien au contraire. Certes, cette monnaie trop forte nuit à nos exportations, mais elle a aussi l'avantage non négligeable de réduire drastiquement le coût de nos importations. Si, comme le voudrait l'égérie blonde des tenants du pétainisme renaissant, nous revenions au franc, une dévaluation de l'ordre de 30 % nous frapperait immédiatement. Les factures de pétrole, gaz, et autres matières premières, dont notre pays ne dispose pas, se verraient littéralement exploser, faisant passer par exemple le prix du super 95 à 2, 10 € ! Soit, pour parler en francs, 4 francs le litre en plus. Sans parler du prix de nos "indispensables" téléphones mobiles, tablettes, et autres écrans plats… Soyons francs (sans jeu de mots !) : si l'Euro semble avoir réduit le pouvoir d'achat, c'est que nombre de commerçants en ont bien profité pour augmenter leurs prix de vente dès le jour du passage à l'Euro, en jouant sur la confusion.
3 – Le "foutage de gueule". Le 29 mai 2005, le peuple rejette le projet de Constitution Européenne. Participation : 70 % (et après, on laisse croire que les élections européennes n'intéressent personne…) ! Français, Néerlandais et Irlandais refusent massivement l'idée d'une Europe ultra-libérale que propose ce projet. Le message est clair. Nonobstant, le traité de Lisbonne est signé, sans consultation, le 13 décembre 2007, donnant aux financiers tout pouvoir, juste avant de provoquer la crise de 2008, dont nous subissons toujours les conséquences. Comment, dans ces conditions, le peuple peut-il encore croire à une Europe démocratique et sociale alors que, contre sa volonté, on l'a soumise à la finance, au capital débridé, à l'appauvrissement généralisé et à l'austérité qui frappe les plus faibles ?
4 – Les "affaires". Comme si l'incompétence ne suffisait pas, on y ajoute l'affairisme du milieu politique traditionnel. Mises en examen, gardes à vue, jugements, tribunaux : tout a été fait pour donner une image totalement caricaturale des politiciens. "Tous pourris", voilà ce que l'on entend partout. Dans ces conditions, pourquoi voter pour des incompétents pourris qui ne font que reprendre le langage de ceux qui se présentent comme les gardiens de la nation, de la famille et du travail. Maréchal, nous revoilà ! Le tour est joué. En son temps, Goebbels n'avait pas fait mieux.
5 – L'abstentionnisme massif. Déçus, attentistes, les électeurs ne se mobilisent plus. L'Europe n'est plus qu'un concept vague, dont très peu comprennent le fonctionnement, il est vrai quelque peu complexe, et qui apparaît souvent antidémocratique. Encore une fois les médias, trop préoccupés par leur audience ou leurs ventes ne font rien pour contrarier la tendance, bien au contraire, stigmatisant les échecs de l'Union Européenne et faisant l'impasse sur les réalisations et des améliorations bien réelles que celle-ci apporte au quotidien des citoyens. On nous décrit une Europe dirigée par une oligarchie non élue, des lobbies industriels qui imposent leurs diktats, validés par un Parlement de nantis, au détriment des populations qui ne font que subir au quotidien des lois jugées souvent iniques et injustes. Résultat : c'est à peine si 43 % de la population se mobilise. Le reste s'en fout, ou est écoeuré par les partis traditionnels. Et l'abstention profite toujours aux partis extrêmes, dont les militants sont eux gonflés à bloc. Si les chiffres de l'abstention étaient inversés (70 % de votants et 30 % d'abstention), nul doute que l'extrême droite ne réaliserait que 10 ou 15 % à l'issue du scrutin.
6 – La division. 22 listes en présence dans la région nord-ouest ! Dont certaines franchement débiles (pirates, vote blanc, espéranto, et j'en passe). Elles ne représentent rien, hormis un désaveu de la politique traditionnelle. Qui, elle, étale ses divisions, à gauche comme à droite. Front de gauche, EELV, NPA, Lutte Ouvrière, etc., pour la gauche. UDI-Modem, UPR, Nouvelle Donne, Debout la France, etc., pour la droite. Comme s'il y avait un second tour où des accords pourraient se faire. Dans cette chienlit, comment l'électeur peut-il s'y retrouver ? Un seul jour, un seul tour. Point barre. Et seul un parti semble unifié, sous la houlette de la progéniture d'un extrémiste notoire, condamné à maintes reprises pour ses propos xénophobes. Le résultat est là.
7 – Les médias. À force de privilégier l'information spectacle, de courber le dos pour faire de l'audimat avec des images choc, de négliger l'info au profit des recettes publicitaires, les journalistes en viennent à faire le jeu des extrêmes. On préfère montrer ce qui ne va pas, négligeant les avancées. Comme par exemple, le rapatriement de 11 milliards d'€ de l'évasion fiscale. Un succès qui pourtant mériterait les gros titres des JT. Non. On invite la walkyrie de service en cédant à toutes ses exigences, comme le refus d'un débat contradictoire dans l'émission de Pujadas "Des Paroles et des Actes", condition sine qua non de cette émission que toutes les autres formations politiques avaient accepté sans mot dire. Bien entendu, on a préféré l'accepter, en dérogeant à toute déontologie journalistique. Résultat : elle a pu balancer son fiel sans véritable débat. Ce qui donne d'ailleurs une idée de ce que pourrait être le pouvoir aux mains d'une telle personne. Dernier exemple de l'inanité de cette profession de soi-disant "journalistes" : "avec un électeur sur quatre, ... le triomphe...", ce qui est évidemment faux ! 43 % de votants, le quart pour la blondasse : il suffit de diviser 43 par 4 pour s'apercevoir que ce ramassis... oups pardon, ce "parti" a récolté 10 % des voix. Point barre, même s'il est vrai que les autres sont encore en dessous...
Face à ces constats, y a-t-il des solutions ? Paradoxalement, oui. La première d'entre elles serait d'instaurer le vote obligatoire assorti d'une forte amende pour les abstentionnistes. Ou, à tout le moins, d'invalider toute élection dont le taux de participation serait inférieur à 50 %. Une seconde approche pourrait être un rassemblement politique gauche – droite afin de construire enfin l'Europe sociale, voire fédérale, que tout le monde attend. Une Europe d'où le dumping social serait exclu, par exemple, en instaurant un Smic européen, ou encore des lois sociales communes. Face à une économie mondialisée, le retour en arrière est un véritable suicide. En admettant que l'Union Européenne se disloque, que deviendraient ces états isolés dans leurs étroites frontières. Que deviendrait par exemple la France, et ses 65 millions d'habitants face aux puissances émergentes, détentrices de richesses minières, industrielles, et humaines, incomparables ? Il ne nous reste qu'une alternative avant 2017 : tout mettre en œuvre pour réussir le pari du retour à une croissance raisonnée, et celui de la baisse du chômage.