Knowledge is a deadly friend when no one sets the rules. The fate of all mankind I see is in the hands of fools. King Crimson - Epitaph (1969)

13 août 2015

Écrit par Paul Renard. Publié dans Humeurs du moment

Comme chaque année, l'ONG Global Footprint Network, par comparaison entre l'activité biologique et l'activité humaine, publie chaque année la date à laquelle l'humanité a consommé toutes les ressources disponibles pour l'année en cours. Et, cette année, c'est le jeudi 13 août 2015. Cela signifie en clair qu'à partir de ce jour, nous vivons à crédit sur les ressources de l'année suivante.

Pour mémoire, en 2009, cette date était fixée aux alentours du 20 septembre. La situation s'aggrave donc d'année en année et, à ce rythme, nous arriverons rapidement à l'échéance finale, à savoir un 1° janvier dans un futur qui se rapproche à grande vitesse : celui de la croissance utopique dans laquelle s'enferment tous les pays du monde. Ce jour-là, on pourra considérer que l'humanité est en situation de dépôt de bilan. Une situation qui, visiblement, n'inquiète pas grand monde, les médias étant plus préoccupés par des faits divers insipides, des querelles de clocher politiques ou la situation des vacanciers bloqués sur les routes par des agriculteurs en colère. En bref, c'est comme toujours : "après nous, le déluge !".

Tout le monde sait que l'activité humaine, au rythme effréné de l'exploitation abusive des ressources naturelles, génère des nuisances qu'il sera de plus en plus difficile de gérer dans l'avenir : énergie, matières premières, production agricole intensive, etc., engendrent non seulement un changement radical de paradigme environnemental, mais aussi une raréfaction, voire une carence, de ces ressources dans l'avenir.

Il suffit de prendre quelques exemples pour s'en apercevoir.

Prenons la production pétrolière, dont tous les experts et acteurs de la filière estiment que le pic de production sera atteint cette année, et dont le coût énergétique sera de plus en plus élevé dans l'avenir : pour produire 100 barils en Arabie Saoudite, on en dépense 3 ; pour en produire autant dans les forages en profondeur (Golfe du Mexique par exemple), on en dépense 30 ; et, en ce qui concerne l'exploitation des sables bitumineux, le rapport est de 3 barils produits pour 2 consommés (sans compter la pollution affolante générée par ce mode d'exploitation) !

Autre exemple : les "terres rares", ces matériaux qui permettent la fabrication de nos gadgets électroniques à obsolescence programmée, tels que le nickel ou le lithium, et dont la Chine est quasiment le seul producteur à l'heure actuelle, en raison bien sûr de la rareté (donc du coût de production) et du côté éthique de la production (dont la Chine ne s'embarrasse pas). Il y a une cinquantaine d'années, on devait extraire 1 tonne de matière pour en retirer 30 kilogrammes de nickel. Aujourd'hui, avec cette tonne, on en extrait à peine 10 kilos.

Continuons avec la production agro-alimentaire : la surpopulation mondiale, associée à la surconsommation engendrée par les communicants au service des industries du secteur, engendrent une agriculture intensive, basée sur l'épandage massif de pesticides et autres poisons, dont l'impact se fait lourdement sentir (dans tous les sens du terme). La crise agricole actuelle émane directement de politiques suicidaires mises en place depuis des décennies : la Bretagne, par exemple, s'est contentée de nourrir les Bretons pendant des siècles, jusqu'à ce que quelques agronomes décident d'en faire la plus grande porcherie d'Europe dans les années 60. Résultat : une culture intensive, nécessaire pour nourrir des millions de porcins, une pollution massive des terres, et même des mers (algues vertes), le tout pour un résultat catastrophique, où les agriculteurs n'arrivent même plus à vivre de leur travail, forcés qu'ils sont de vendre à perte leur production. Le consommateur, lui, paye le prix fort imposé par l'industrie et la grande distribution, et paye en plus sur ses impôts les subventions destinées à maintenir les agriculteurs en activité. On marche sur la tête dans ce domaine.

La question est donc : comment en sommes-nous arrivés là ?

Il y a deux réponses : 1 – La surpopulation mondiale, 2 – La surconsommation.

1 – La surpopulation :

Basée sur des concepts culturels, cultuels ("croissez et multipliez"), nationalistes – un pays fort est un pays à forte natalité – , économiques et politiques, on privilégie la fécondité.

En 1800, l'humanité comptait environ 600 millions de personnes. En 2000, nous étions à 6 milliards, soit 10 fois plus. Et pour faire bonne mesure, on y a encore ajouté 25 % en une quinzaine d'années, soit 1, 5 milliards de plus.

Au début de l'ère industrielle, cette croissance était nécessaire pour fournir des bras à l'industrie naissante. Parallèlement à cela, cela fournissait également la chair à canon indispensable lors des conflits armés, sachant que les pertes subies seraient ensuite rapidement compensées par un "baby boom". Depuis la dernière guerre mondiale, cette croissance permettait surtout d'assurer la croissance économique. C'est dans les années 70 qu'est sortie cette théorie délirante : pour maintenir la croissance économique, il fallait une augmentation de la consommation de 50% tous les 8 ans. Je reviendrai sur ce point ensuite.

Les politiques natalistes ont suivi : aujourd'hui encore, on privilégie les familles nombreuses par diverses subventions. Cela va même jusqu'à décorer les "pondeuses" de haut niveau qui étalent fièrement leurs quinzaine de marmots. Et la science n'est pas en reste, puisqu'elle permet à celles et ceux qui ne parviennent pas à proliférer de forcer la nature : FIV, PMA, GPA en tête. Des techniques contre lesquelles je m'insurge, tant pour les couples dits hétéros que pour les couples homos. Je considère en effet, et je pense avec logique, qu'il y a suffisamment d'enfants malheureux à adopter avant de songer à en refaire d'autres. Bien évidemment, ces "techniques" sont issues d'une pensée tribale (et bien souvent aussi religieuse) qui consiste à perpétuer le sang du clan familial. Une idée parfaitement absurde, surtout au point de vue religieux, puisque, partant d'un homme et d'une femme initiale, nous sommes tous forcément "du même sang" (certains diraient même consanguins).

D'un point de vue politique, tout est fait également pour privilégier ce concept : un pays pèse d'autant plus lourd sur la scène internationale que sa population est active et féconde. On mesure même le dynamisme d'un état à son taux de fécondité, et l'on s'inquiète lorsque ce dernier diminue.

Enfin, du point de vue économique, plus il y a de bouches à nourrir, plus il y a de consommateurs potentiels, et plus la croissance économique est assurée. J'en arrive donc au point suivant.

2 - La surconsommation.

Les deux grands systèmes économiques qui ont dominé l'ère industrielle sont le capitalisme et le communisme. Tous deux ont le même but : l'abondance de biens pour tous. La seule différence étant les moyens d'y arriver. Mais les deux se basent sur la même utopie : la sacro-sainte croissance économique. La croissance économique, une utopie ? Me direz-vous, mais quelle drôle d'idée, voire quelle hérésie ! Et pourtant, c'est une simple question de logique digne d'un cours de CP : la croissance est basée sur l'abondance des ressources (matières premières, énergies, terres agricoles disponibles, etc.), avec, en filigrane, l'infinité de ces ressources. Jusqu'aux années 1960, personne ne s'inquiétait de l'abondance des ressources : il semblait en effet qu'elles étaient infinies. Et puis, les colonies de l'époque suffisaient largement à compenser les manques éventuels, tant en matières premières qu'en bras. Il aura fallu la première crise pétrolière en 1973 pour qu'on commence à s'apercevoir que nous étions en fait totalement dépendants de ces ressources naturelles. Mais, même ainsi, personne ne s'inquiétait vraiment de la quantité disponible, et c'est d'ailleurs dans les années 70 qu'est sortie l'axiome stupide que j'ai cité plus haut : pour maintenir le taux de croissance, il fallait que la consommation augmente de 50 % tous les 8 ans.

Jusqu'aux années 60, après les privations de la guerre, tout un chacun vivait tranquillement, épargnait l'énergie, se déplaçait à pied ou à vélo, exploitait bien souvent un petit jardin ouvrier qui lui fournissait fruits et légumes, s'abstenait de manger de la viande deux fois par jour, et les bonnes relations de voisinage entretenaient une solidarité de bon aloi. Bref, les gens n'étaient pas forcément riches, mais ils faisaient avec ce qu'ils avaient, ou pouvaient avoir, avec leur revenu. La croissance était, quant à elle, assurée d'une part par l'augmentation significative de la population, et donc du nombre potentiel de consommateurs, due au "baby boom" de l'après-guerre et d'autre part, par l'indispensable effort de reconstruction.

Mais, dans ces conditions, la croissance économique allait rapidement se retrouver exsangue. À l'époque, le taux de chômage était très faible, et l'on faisait même appel à des populations étrangères pour assurer le manque éventuel de main-d'oeuvre, le plus souvent dans un esprit encore bien teinté de colonialisme.

À cette époque également, la cellule familiale était encore majoritairement teintée d'un traditionalisme issu de siècles de domination masculine et du code civil de notre dictateur national (vous savez bien : le petit gros qui a mis l'Europe à feu et à sang de 1800 à 1815 et qu'on glorifie pourtant encore de nos jours), mais les femmes commençaient enfin à s'émanciper doucement. Avec le droit de vote en 1945, puis 20 ans plus tard, avec le droit d'ouvrir un compte en banque et celui de travailler sans demander l'autorisation de leur mari (lorsqu'on évoque cela de nos jours, on a l'impression de parler d'un autre âge, mais cela ne date que de quelques décennies à peine !). Bien loin d'y voir un problème de société (contrairement à certains imbéciles de nos jours...), l'industrie y vit une aubaine : le pouvoir d'achat était en augmentation, d'autant que le faible taux de chômage privilégiait – à juste titre – les revendications syndicales, et le temps allait manquer aux ménages. Et les communicants purent s'en donner à coeur joie. Pourquoi faire la vaisselle ou laver le linge à la main, pourquoi aller à pied, par tous les temps, au boulot, alors que la voiture vous y conduirait en cinq minutes ? Pourquoi mitonner durant des heures des petits plats traditionnels ? Et pourquoi même s'échiner à cultiver des poireaux, écosser des petits pois, élever des poules ou des lapins, quand l'industrie vous permet d'avoir tout cela en quelques minutes, comme par magie ? Profitez plutôt de la vie, profitez des taux de crédit avantageux ! Et pourquoi se priver : la viande, c'est tous les jours ! Le foie gras aussi ! Et pourquoi faire vos courses à l'épicerie du coin ? Venez donc rêver, maintenant que vous disposez d'un véhicule, dans nos temples de la consommation. Là y règne le choix dont vous avez toujours rêvé, là se trouve une profusion de biens de consommation à laquelle vous n'auriez jamais pensé ! Il fallait créer du rêve. Créer de nouveaux besoins. Un rêve utopique digne d'un roman de science-fiction, mais hélas bien réel.

Dans ces années-là, le revenu de base était très bas (environ 80 € au début des années 60, 150 € au milieu des années 70) et, hormis les prix alimentaires qui permettaient de vivre petitement mais raisonnablement, les biens de consommations étaient inaccessibles pour les masses travailleuses. Un téléviseur noir et blanc ou un lave-linge coûtait 3 à 4 mois de salaire, par exemple. Alors, aidés par les communicants qui proféraient à qui voulait l'entendre que ces objets étaient essentiels non seulement au quotidien, mais aussi et surtout pour conforter le consommateur dans sa pseudo réussite sociale ("t'as vu c'que j'ai qu'ta pas ?"), les banques et les distributeurs se mirent à faire du crédit. Des prêts à taux bien souvent proches de l'usuraire, mais qu'importe : le consommateur, convaincu qu'il devait posséder toute une série de choses soi-disant indispensables, se laissait bercer dans cet univers. J'ai travaillé dans une grande surface à l'époque pour payer mes études. Combien de fois, tirant un transpalette, je devais presque hurler "pardon" pour que les badauds cessent de regarder béats les produits qu'ils n'avaient pas les moyens de se payer !

Puis la production de masse permit de baisser les prix, grâce à l'augmentation de la productivité des ouvriers et évidemment à l'automatisation des tâches. La croissance était donc assurée pour l'avenir, d'autant que la population continuait de croître à bon rythme. Restait toutefois un grave problème : les consommateurs, issus d'une génération qui avait connu nombre de privations, tendaient à conserver le plus longtemps possible les biens qu'ils avaient chèrement acquis. En gros, on réparait plutôt que de changer, d'autant plus que les appareils, correctement conçus, duraient une éternité (à titre d'anecdote, j'utilise toujours le réfrigérateur de mes défunts parents, acheté à la fin des années 70, et qui fonctionne comme au premier jour, c'est à dire parfaitement !). Il fallut remédier rapidement à cela. Tout simplement en créant toujours de nouveaux biens de consommation, plus performants, plus modernes, plus fonctionnels. Le CD remplaça la cassette, le magnétoscope fit son apparition dans les ménages, les télécommandes fleurirent un peu partout, on augmenta l'offre de chaînes de télévision ou de radio, etc.

Et puis, dans les années 90, tout commença à s'emballer. La mondialisation frappait à nos portes, les actionnaires devenaient de plus en plus gourmands, des pays émergeants, constituant des marchés potentiels immenses, voulurent leur part du gâteau. On commença alors à produire de moins en moins cher, en utilisant la main-d'oeuvre bon marché desdits pays émergeants pour produire toujours plus et toujours moins cher, créant ainsi un taux de chômage élevé dans la plupart des pays dits "développés", mais tout en maintenant le pouvoir d'achat, grâce aux aides sociales d'une part (aides sociales que payent les entreprises qui n'ont pas délocalisé, principalement les PME, et, ne l'oublions pas, les salariés de ces entreprises) et au crédit d'autre part. Une économie maintenue artificiellement à l'aide de rustines. Au début des années 2000, cette tendance s'accentua encore lorsque les fonds de pension en voulurent toujours plus. Cette fois, c'est la part destinée aux investissements prise sur les bénéfices qui en fit les frais, au profit des dividendes distribués. On vit donc dans nos contrées se réduire petit à petit la productivité qui n'avait fait que croître jusque là. En conséquence de quoi, c'est une nouvelle vague de délocalisation qui vit le jour, entraînant une fois de plus une montée du chômage. À priori, il s'agit là d'une hérésie vis-à-vis du fondement du capitalisme fordien qui dit que la part de valeur ajoutée accordée au salarié en location de sa force de travail doit lui permettre d'acheter les biens qu'il fabrique. Mais, fort heureusement pour ces grands bienfaiteurs de l'humanité, il y a le crédit... et l'obsolescence programmée.

Cette dernière fonctionne selon deux principes : l'apparition perpétuelle de nouveaux biens de consommation et leur durée de vie limitée. Ainsi, le consommateur aura t'il acheté le dernier téléviseur haut de gamme à tube cathodique que, quelques mois plus tard, sort l'écran plat. Aussitôt l'a t'il acheté que sort le même en version HD, puis le "super HD". Aussitôt a t'il acheté sa voiture à moteur diesel que lui a conseillé la publicité tapageuse, qu'on lui dit qu'il n'est qu'un gros pollueur qu'on va taxer. Et il s'empresse d'acheter la voiture "écologique", décorée de sa vignette verte. Mais, comme il n'en a pas les moyens, on lui propose une location longue durée, c'est-à-dire un crédit à vie, puisqu'au terme de son bail, il n'aura pas envie de payer le solde et signera pour une nouvelle location longue durée. Je pourrai continuer ainsi les exemples à l'infini.

Tiens : l'infini. On y revient. Toute cette croissance, à la fois humaine et matérielle, est fondée sur un principe faux : l'infinité des ressources planétaires. Une illusion entretenue depuis deux siècles, à la fois par l'industrie qui en profite, mais aussi par la Science, qui, bouffie d'orgueil, se targue de pouvoir résoudre tous les problèmes. Y compris ceux que l'activité humaine génère aveuglément. Une Science qui ne connaît pourtant que 5 % de la matière constituant l'Univers, le reste étant nommé matière noire et énergie sombre. C'est dire ! Mais il n'en reste pas moins que cette croissance, basée sur un dogme erroné, est en train de faire long feu. Car les ressources s'épuisent à grande vitesse, quoiqu'en disent certains "experts". Et cette raréfaction entraîne évidemment des conséquences dramatiques, car les besoins de l'humanité sont toujours croissants, ne serait-ce qu'en terme d'alimentation. Il n'y a plus de terres nouvelles à "conquérir" (j'abhorre ce mot, typiquement issu d'une culture agressive et tribale). Plus aucune. Et ceux qui se félicitent de la fonte des glaces aux pôles qui pourra permettre de maintenir l'illusion quelques années de plus, en allant piller les dernières réserves disponibles, ne sont que de pauvres imbéciles. Car la croissance exige toujours plus de matières premières. Or ces dernières ne sont pas "infinies", mais "finies". Même dans l'hypothèse où l'on pourrait recycler tout ce que l'on produit, il y aurait toujours un moment où nous aurions besoin de nouvelles ressources. Que se passera t'il le jour où nous serons au pied du mur ? Facile : pour profiter d'un dernier sursaut, l'humanité ressortira son éternelle solution, la guerre. Une guerre où il n'y aura à terme aucun gagnant, hormis peut-être la Terre qui se débarrassera ainsi du cancer qui prolifère à sa surface.

Une guerre d'autant plus inéluctable dans les circonstance actuelles que nos activités ont aussi engendré un autre facteur de catastrophe, et pas des moindres : le dérèglement climatique et aussi environnemental (qu'on a tendance à oublier, c'est tellement plus facile !). Fin 2015, se tiendra à Paris, une énième conférence sur le climat. Autant être franc : hormis l'impact carbone que celle-ci va engendrer, il ne faut pas en attendre grand chose, comme d'habitude. De belles paroles, de belles promesses, immédiatement sabordées par les lobbies industriels. Lorsqu'on voit qu'un candidat républicain à la présidence des USA veut attaquer en justice le bien mièvre plan climat de Barrack Obama, je crois qu'on a fait le tour de la question. La Terre se réchauffe, les phénomènes météo s'intensifient d'année en année, une grosse pluie devient vite un déluge, un coup de vent une tempête, une mousson une catastrophe humanitaire, etc. Les océans s'acidifient à vitesse grand V, obligés qu'ils sont à transformer les 24 millions de tonnes journalières de CO² qu'on leur injecte en acide carbonique, détruisant toute la chaîne alimentaire des océans, tandis que, dans le même temps, les hommes pratiquent la pêche intensive à l'aide de chaluts qui détruisent tout sur leur passage, afin de permettre au consommateur de manger du poisson plus que de raison. Les sols sont rendus stériles, à force d'épandage massif de produits chimiques, et de lisiers émis par les troupeaux de l'agro-alimentaire industriel. La montée des eaux va encore intensifier le phénomène en diminuant les terres habitables et exploitables. La désertification de zones entières va y rajouter une couche et, dans 20 ou 30 ans, les pays encore capables de produire de quoi subsister auront à faire face à l'arrivée de centaines de millions de migrants qui n'auront plus aucune autre solution. Quand on voit ce qu'on fait déjà "pour" les quelques milliers de migrants actuels, face à cela, on érigera sans doute des clôtures électrifiées, quelques miradors au gré de la géographie, et il ne restera plus qu'à tirer à vue sur tout ce qui bouge. Retour à la case départ. Et ce n'est pas un scénario de science-fiction, mais bien la réalité qui nous attend, au plus tard d'ici la fin du siècle, nous et surtout les générations surpeuplées que nous avons engendrées aveuglément.

Il y a pourtant des solutions. Je crains, hélas fort, qu'elles ne fassent long feu face à l'obscurantisme ambiant, encore une fois culturel, cultuel, nationaliste, politique et économique. Car, pour en revenir à ce fameux 13 août 2015, c'est depuis 1989 que l'on sait que l'humanité vit à crédit sur la Terre, et ce phénomène ne fait que s'amplifier dans l'indifférence générale. Et là, j'entends déjà les sceptiques, les accros du progrès, les "réalistes" : "ça y est, encore un qui va nous parler de décroissance", "encore un inventeur du Moyen Âge", et autres billevesées. A ceux-là, je leur répondrai simplement que nous sommes déjà de facto dans l'ère de la decroissance. Elle est inéluctable, comme on vient de le voir. Seulement, nous fermons les yeux, nous accrochant aux restes de ce rêve utopique en y plaçant des rustines et en espérant que ça va tenir encore un peu. Jusqu'à ce que... Il n'y ait plus d'autre solution que de déposer le bilan de l'humanité et tout recommencer à zéro, si cela s'avère possible, ce qui est loin d'être gagné. A ceux-là, je répondrai alors qu'ils sont, eux, les inventeurs de la préhistoire !

Il ne s'agit bien évidemment pas de revenir en arrière, mais bien au contraire d'aller de l'avant... en retrouvant un peu de bon sens. Bien entendu, cela va nécessiter de s'affranchir des dogmes culturels, cultuels, nationalistes, politiques, économiques et consuméristes. Voyons donc quelques solutions. 

La première serait d'entamer une réduction effective de la population humaine. Le calcul est simple : actuellement, pour assurer à toute l'humanité le niveau de vie d'un Français, il faudrait disposer de 7 planètes Terre, celui d'un Américain en nécessiterait plus d'une dizaine. Or, nous n'en disposons que d'une seule et la possibilité d'en coloniser d'autres à des milliers d'années lumières n'est pas à notre portée, et ne le sera sans doute pas avant notre extinction programmée, c'est-à-dire d'ici moins d'un siècle. Donc, une seule alternative : revenir à la préhistoire question niveau de vie, ou réduire notre prolifération démentielle. Et ça, on peut le faire. Comment ? Tout simplement en s'affranchissant des dogmes et en limitant notre soif de paternité ou de maternité. Plutôt par exemple que de financer les familles nombreuses, pourquoi ne pas privilégier des familles se limitant à un ou au maximum deux enfants, par exemple grâce à des allocations dégressives. En gros, plus vous avez de marmots, moins vous touchez d'allocations. Simple, efficace, et ne nécessitant pas de lois contraignantes et contre-productives, comme en Chine. En bref, privilégier la qualité, et non plus la quantité. Autre moyen, et non des moindres : favoriser l'adoption plutôt que la création, notamment pour les couples stériles. Il y a suffisamment d'enfants malheureux sur Terre, et dans nos propres contrées, pour satisfaire le besoin d'élever un enfant, tant pour les couples hétérosexuels que pour les couples homosexuels. Contrairement à ce que prétendent les réactionnaires de tous bords, un enfant n'a pas forcément besoin d'un papa et d'une maman, par contre il a besoin d'amour !

Au niveau économique, quantité de solutions existent également. Par exemple, cesser d'importer ce que l'on sait produire et cesser d'exporter ce que les autres savent faire. Simple et écologique. Dans le même ordre d'idées, consommer moins, mieux et surtout local. Cesser d'acheter en grosses quantités (pour en jeter la moitié ensuite) en croyant que l'on fait une bonne affaire : acheter selon ses besoins, si possible directement au producteur.Ou encore, casser ce dogme institué par les communicants qui consiste à dire que l'abondance de biens nouveaux crée le bonheur, ce qui est totalement faux : elle ne fait que créer de la frustration, comme celle de ne pas posséder le dernier cri. Et donc, conséquence logique : réparer systématiquement au lieu de jeter, ce qui implique évidemment que ces biens soient réparables dès leur conception.

En ce qui concerne l'agriculture, retrouver les remèdes ancestraux, bien plus efficaces que les épandages massifs de produits chimiques qui finissent par stériliser les terres arables. Et pour cela, la Nature a toujours bien fait les choses : de nombreuses plantes fabriquent des substances insecticides parfaitement naturelles, telles que l'azadirachtine, plante du moyen-orient dont on extrait un composé qui détruit les sitones (chenilles qui attaquent les semis), ainsi que les mouches blanches qui sévissent dans les serres, les plants de tomates et les céréales. Tout comme le neen, plante d'Asie, utilisée contre les pucerons. Ou encore, plus près de chez nous, le tabac dont la nicotine est utilisable contre les pucerons, une méthode que nos parents utilisaient couramment. Citons encore les chrysanthèmes, qui produidant la pyréthine, base de tous les insecticides d'origine végétale bio.

A la maison, plutôt que de répandre l'odeur chimique des parfums de synthèse onéreux et polluants, savez-vous que le lierre du diable et le lierre commun absorbent très efficacement le benzène et le monoxyde de carbone ? Que l'alaonéma s'attaque également au toluène ? Que le philodendron et l'aloé fixent le formaldéhyde ? Que le ficus robusta, le chrysanthème, et plus généralement les plantes grasses sont à même d'éliminer nombre de polluants ?

Au niveau énergétique, utiliser des techniques simples, déjà en cessant de prétendre que cela ne fonctionne pas, telles que le solaire, l'éolien ou l'hydro-électrique. Les centrales solaires à concentration thermiques fonctionnent parfaitement sous des climats bien ensoleillés, et ce, même la nuit (à l'aide de sels fondus qui maintiennent la chaleur). De telles centrales prennent certes beaucoup de place (le projet Desertec Allemand nécessitait une surface de 50 km², mais pouvait alimenter tout le Maghreb et le sud de l'Europe), mais on en maîtrise parfaitement la technologie, contrairement aux projets pharaoniques que sont les EPR ou encore ITER qui n'ont même pas encore vu le jour malgré les milliards dépensés (9 pour l'EPR, 19 pour ITER).

Il existe ainsi des milliers de solutions à la portée de tout un chacun, à condition de se défaire des dogmes et du lavage de cerveau quotidien, apanages des communicants et de l'industrie.

Je pourrais continuer ainsi durant des pages et des pages, mais je préfère terminer par le dernier dogme à abandonner, sans aucun doute le plus important : celui de l'argent. Car c'est lui le moteur de toute cette gabegie, lui et sa possession qui sont la cause des crises, des guerres, de la misère, et... de notre extinction programmée car

"Quand le dernier arbre aura été abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson péché, on s'apercevra que l'argent ne se mange pas" (citation attribuée à Géronimo).