Tchernoshima et Fukubyl
Voici l'excellent édito de la Voix du Nord du 20 avril 2011 :
Tchernobyl – Fukushima, même combat ? Vingt-cinq ans après (rien en matière nucléaire !), le parallèle fait exploser le dosimètre de nos certitudes.
Et cette fois, nous ne sommes pas en pays rouge, irradié jusqu'à la mœlle par soixante-dix ans de communisme. Hier, à Kiev, la communauté internationale a débloqué 550 millions d'euros pour aider à financer (sur un total de 1, 5 milliard), l'arche d'acier de 110 m de long et 257 m de large qui recouvrira en 2015 le sarcophage de béton branlant de Tchernobyl. Trente mille tonnes d'acier pour enfouir pendant un siècle (seulement) des dégâts partis pour rayonner au bas mot un millénaire. Il y a cinq ans, nous avions traversé (vite) la zone interdite, l'incroyable cité de Pripiat, à 3 kilomètres de la centrale nucléaire, passée de cinquante mille habitants à zéro en une journée, vidée par le ballet incessant des bus de l'armée soviétique. La ville est désormais livrée aux loups. Plus résistante que l'homme, la nature a repris le dessus. La grande roue d'un parc grince dans le silence. Le village de Ditiatki, juste à la limite de la zone interdite, se meurt lentement au rythme des vieux paysans qui mangent les légumes du jardin. Les autres ont fui.
Que restera-t-il dans vingt-cinq ans de la région de la centrale de Fukushima Daïchi ? Futaba, Okuma et Tomioka deviendront-ils aussi des Pripiat, des Ditiatki ? Réunira-t-on une conférence des donateurs pour payer le nouveau confinement de la centrale japonaise ?
L'humain est étrange. Valdis Zatlers, le président letton, présent à Kiev, était médecin lorsqu'il a nettoyé le secteur de Tchernobyl. Devenu président de son pays, il ne se détourne pas du nucléaire. "De nouvelles centrales seront construites, quand la peur sera passée", affirme-t-il. Et voilà, tout est dit ?
François Fillon envisage à Kiev la création d'une force de réaction rapide mondiale pour contrer les catastrophes nucléaires. Henri Proglio, le patron d'EDF, affirme dans Le Figaro : "Nos centrales sont en excellent état". Sans attendre l'état des lieux de nos cinquante-huit réacteurs. Areva s'apprête à traiter, par une réaction chimique dont il a l'heureux secret, 10 000 tonnes d'eau très radioactive du réacteur 2 de Fukushima. "Areva, de par son expertise, dispose de solutions pour ensuite traiter et gérer ces éléments", nous affirme-t-on.
En somme, personne n'envisage sérieusement une alternative. La planète s'organise pour combattre les accidents, ranger consciencieusement les déchets, vider à l'occasion des Pripiat et des Tomioka. Pas de Gravelines, c'est impossible. Mon pauvre ami ! On n'est ni gouvernés par des "cocos" ni installés sur une faille à tsunami. Si on a bien compris, le nucléaire est une énergie d'avenir. En plus à très, mais alors, très, très, très, très long terme.
Olivier Berger – La Voix du Nord 20 avril 2011.