Le développement durable
(extrait du lexique de La Dixième Planète - Tome 2 - Am'Xo) :
Derrière ce concept idéaliste, remède miracle pour l'avenir, il y a trois idées majeures : croissance économique, respect de l'environnement et prise en compte des paramètres sociaux. Un avenir qui chante semble donc se dessiner : l'accroissement infini des richesses dans un monde pur où tout le monde est heureux. C'est beau, mais malheureusement utopique.
Analysons les trois ingrédients.
La croissance économique suppose qu'on puisse toujours produire plus. Première hérésie : les ressources de la planète sont intrinsèquement limitées. Une fois qu'on aura tout épuisé, la croissance économique ne sera plus qu'un souvenir. Qu'importe : on va recycler ! D'accord, mais l'arithmétique la plus élémentaire nous indique que, même si l'on parvenait à recycler 100 % de notre production – ce qui est loin d'être le cas –, pour qu'il y ait croissance, il faudrait quand même compter sur des ressources extérieures ! Donc, au mieux, on recule simplement l'échéance.
Voyons le respect de l'environnement. Il faut maintenir la croissance, mais en même temps préserver la nature. C'est-à-dire produire en polluant moins. Encore un vœu pieux : notre population a décuplé en l'espace de 200 ans (de 600 millions en 1800 à plus de 6 milliards en 2010). Notre consommation a bien évidemment suivi le mouvement, d'autant que la fameuse croissance économique impose que l'on consomme de tout et de plus en plus. À titre d'exemple, la consommation de viande dans les pays dits "développés" a quintuplé en à peine 50 ans, des produits que l'on consommait plutôt localement (produits de la mer par exemple) se sont répandus partout, au point que l'équilibre écologique en est gravement perturbé. Sans parler des catastrophes écologiques telles celle du lac Victoria au Tchad avec la fameuse perche du Nil… Dans le même temps, en dehors de l'alimentaire, nos besoins énergétiques sont devenus colossaux. Alors aujourd'hui, on ne parle pas de consommer moins (quelle horreur !), mais de consommer différemment. Différemment ? Bien que le nucléaire ne soit évidemment pas une solution supportable, la construction d'une centrale a une meilleure empreinte carbone que la production d'éoliennes, de panneaux photovoltaïques ou la construction de barrages hydroélectriques. D'autant que les énergies renouvelables sont sujettes bien souvent aux caprices du temps : en l'absence de vent, une éolienne ne sert plus à grand chose ! Bien, nous disent les penseurs de l'avenir : on va donc maîtriser la consommation énergétique autant que faire se peut. Mais ils ne disent pas qu'une banale lampe à incandescence – certes très gourmande – ne nécessite aucun recyclage particulier, alors que les fameuses ampoules à économie d'énergie contiennent des métaux lourds, hautement toxiques, des composants électroniques, etc… D'accord, nous disent encore ces faiseurs de futur, si c'est comme ça, on va taxer les pollueurs. Mais, en dehors du fait que cette taxation sera forcément injuste – qui peut se passer de transports de nos jours ? –, est ce qu'une taxe va assainir l'air qu'on respire ?
La contradiction entre "croissance économique" et "respect de l'environnement" constitue une deuxième hérésie.
Examinons enfin l'aspect social. Les deux grands systèmes qui se sont affrontés au XX° siècle, communisme et capitalisme, ont tous deux le même vœu pieux : l'abondance de bien pour tous. La seule différence entre eux étant le moyen d'y parvenir. On en voit aujourd'hui le résultat : chômage, pauvreté, famine, surendettement des individus et des états,… La vraie question, celle du bonheur de l'humanité, est loin d'être résolue. Est-on plus heureux lorsqu'on possède le dernier cri en matière d'écran plat, d'ordinateur portatif ou de téléphone portable ?
Troisième hérésie : le lien entre "croissance économique" et "développement social".
De nos jours, pour maintenir cette foutue croissance, les états ont deux solutions : faire l'impasse sur le social ou s'endetter fortement. Dans les pays pauvres, c'est carrément les deux. On s'endette pour développer les services sociaux (éducation, santé, protection sociale), Puis le FMI intervient pour "aider" en rachetant la dette à un taux usuraire, en imposant des mesures draconiennes et l'implantation de multinationales censées faire le bonheur de la population. Et pour maintenir l'ordre, on place une marionnette à la tête du pays. Résultat : dans la plupart des pays africains, le remboursement de la dette coûte plus de la moitié du PIB. Il suffit de voir l'exemple récent de la Côte d'Ivoire...
En fait, le développement durable, c'est tout simplement "polluer moins, pour polluer plus longtemps".
Dialogue
- Quelle est la justification de la croissance économique ?
- Eh bien, produire plus.
- Pourquoi ?
- Sans cela, la demande n'est pas satisfaite.
- Pour vendre, il faut de la publicité ?
- Bien sûr, sinon les gens ne consommeraient pas tout ce qui est produit.
- Donc, la demande n'existe que par la création artificielle d'un besoin.
- Nous n'avons pas le choix : sans cela, les profits s'écroulent, le chômage augmente, le…
- La croissance est donc un pis-aller.
- Oui.
- Et elle ne réduit en aucune façon les inégalités. Deux tiers de l'humanité meurent de faim…
- Les inégalités ont toujours existé : le plus fort domine le plus faible.
- La loi de la jungle.
- Nous vivons dans une jungle.
- Et… Si nous pensions à évoluer un jour ?
- …
Pour clore ce chapitre, rappelons simplement ces chiffres (déjà cités dans ce lexique, mais une piqûre de rappel est souvent utile) : en 2010, le samedi 21 août très exactement, l'humanité avait consommé tout ce que la biosphère de la planète est capable de reproduire en une année (en 2009, c'était le 25 septembre). Nous avons donc vécu à crédit les mois suivants…. Source : http://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/21-aout-2010-le-jour-du-79989. Qu'arrivera-t-il dans 8 ans, lorsque le 1° janvier, l'humanité aura déjà consommé tout ce que la planète pouvait produire pour 2019 ? On dépose le bilan ?