Le nucléaire sans uranium
Science et Vie consacre son numéro de novembre sur un important dossier : celui du nucléaire.
En couverture : "le nucléaire sans uranium, c'est possible". De quoi titiller les neurones des politicards de droite comme de gauche qui se prosternent devant l'EPR, ce nouveau réacteur que s'apprête à construire la France, et qui fonctionne au MOX (pour les non-initiés qui vivent encore : "mixed oxyde", à savoir un mélange d'uranium appauvri et de plutonium issu de la récupération des déchets des centrales nucléaires pour le plus grand profit des fous qui gèrent Areva). Il faut quand même savoir que le plutonium, qui n'existe pas – ou en quantité infime dans la nature – est la pire saloperie que l'être humain ait produit (1 particule de plutonium ingéré = 100 % de risque létal). Lorsqu'on voit l'état lamentable de nos vieilles centrales, ce qui s'est passé à Three Miles Island, Tchernobyl ou Fukushima (qui fonctionnait au MOX), il y a franchement de quoi se poser des questions sur la santé mentale des ingénieurs en nucléaire et des politiques qui veulent continuer dans cette voie. Dans ce domaine d'ailleurs, la seule personne qui pète les plombs – à juste titre – c'est Eva Joly.
Pour en revenir à Science et Vie, on y apprend que depuis les débuts du nucléaire, à Oak Ridge, aux Usa, dans les années 40, les ingénieurs avaient imaginé des centaines de solutions pour produire de l'énergie à partir de la fission. Pour les profanes, on envoie des neutrons qui font "casser" des atomes, qui, à leur tour, produisent des neutrons qui vont en casser d'autres, d'où ce qu'on appelle les "réactions en chaîne". Et pour ralentir le processus afin que ça n'explose pas, on insère des matériaux "modérateurs" censés empêcher tout accident. Résultat, une centrale nucléaire d'aujourd'hui, c'est une centaine de tonnes de combustible hautement radioactif qu'on tente de "modérer" afin de créer de la chaleur et de faire tourner des turbines. Le tout refroidi par de la flotte qui produit de la vapeur. En gros, un réacteur nucléaire, c'est une grosse chaudière.
À l'époque, cette façon de faire n'était pas la meilleure : les ingénieurs avaient imaginé d'autres projets. Manque de bol pour eux, la guerre froide démarrait et, bien évidemment, de l'uranium qui va produire du plutonium avec lequel on va pouvoir faire des bombes et foutre sur la gueule aux Russes ou aux capitalistes Amerloques, c'est la solution idéale !
L'un des projets, qui est resté dans les cartons des ingénieurs, c'est la centrale au thorium. Aussi efficace, mais nettement moins dangereuse : pas de haute pression, un combustible liquide, noyé dans des sels fondus qui circule dans des tuyaux et que l'on peut réguler en fonction des besoins, qui va s'écouler naturellement en cas de problème, et qui produit 10 000 fois moins de déchets que la filière actuelle à eau pressurisée à 155 bars. En plus, le thorium est quatre fois plus abondant que l'uranium. Mais, manque de bol, pour les raisons précitées plus haut, pour des intérêts purement militaires, et financiers, General Electric et Westinghouse ont décidé que c'était la voie de l'uranium et "vos gueules". On coupe tous les budgets sur d'autres recherches et on impose dans le monde entier la voie des REP (réacteurs à eau pressurisée). L'EDF en son temps (années 70) a poursuivi courageusement les recherches jusqu'à ce qu'on leur dise "vos gueules". Résultat : des centrales dangereuses, incontrôlables en cas de problème, 77 milliards d'euros d'investissement rien qu'en France, et des constructions vieillissantes dont le coût du démantèlement est au bas mot décuplé par rapport à la construction, des déchets dont on ne sait que faire (sauf Areva qui stocke près de 60 tonnes de plutonium dans ses "piscines" à La Hague), et une pollution qui pourrira la planète durant quelque 100 000 ans… Évidemment, dès qu'on parle d'arrêter cette connerie monumentale, on nous parle de 410 000 emplois perdus, de délocalisations, ou encore, comme le disent des crétins comme Claude Allègre ou le nain qui nous sert de président : "ben, on n'a plus qu'à s'éclairer à la bougie". Bon sang ! Je n'invente rien ! D'ailleurs, voici la réponse (laconique) de Jean-Pierre Petit à qui j'ai soumis cet article : 'La filière de la fusion impulsionnelle est plus rationnelle (des recherches moins coûteuses et moins complexes que cette "filière thorium" qui nécessite un maintien en opération par un accélérateur de particules"). Et puis aussi, en dehors de cette énergie débile, il existe d'autres voies, et pas seulement les éoliennes, hydroliennes ou panneaux photovoltaïques (voir mes articles sur les centrales solaires à concentration). Nous pouvons aujourd'hui, avec des technologies, parfaitement maîtrisées depuis 200 ans, récupérer la plus formidable énergie qui soit : celle de notre étoile ! Sans avoir besoin de lancer des projets dangereux, tel ITER (fusion nucléaire), dont on ne maîtrise absolument aucun paramètre (voir le site de l'Expansion, celui de Jean-Pierre Petit, spécialiste des plasmas, ou les réactions de Michèle Rivasi, députée européenne EELV), des projets qui coûtent aujourd'hui 15 milliards d'euros (c'est marrant comme on trouve du fric à jeter par la fenêtre quand on veut…) et demain certainement 10 fois plus. I
TER qui ne produira jamais le moindre watt, puisqu'il s'agit d'une expérience pharaonique de laboratoire, mais qui, si ça fonctionne, vers 2020, permettra la construction d'un truc plus gros, et donc encore plus cher, qui s'appellera DEMO (tout un symbole) et qui aboutira – si nous sommes encore vivants d'ici là – à un projet industriel vers 2100, nommé PROTO, qui sera – peut-être – la première centrale à fusion.
Quand on voit tout ceci, alors qu'on sait que des solutions simples existent, telles Andasol en Espagne (qui a largement dépassé le stade expérimental), ou Desertec (une centrale solaire à concentration de 50 km² dans le Sahara destinée à alimenter toute l'Europe et le nord de l'Afrique), on se dit que soit :
- l'être humain est intrinsèquement suicidaire,
- l'être humain est profondément con.
Pour ma part, je pense qu'il s'agit d'un mélange des deux, une sorte de MOX humain !
Et pour conclure, voici le dossier pdf que JPP a rédigé sur la base de la thèse de Cédric Reux du CEA concernant ITER : chroniqueiterJPP.pdf